Il est vrai que lorsque l’on contemple ce retour de ceux qu’on appelait les épouvantails du mondial, au milieu de cette marée humaine rouge et blanche, on ne peut s’empêcher d’imaginer voir déferler une vague de patriotisme chaleureuse, une fièvre chauvine sur toute la Croatie. Mais c’est surtout du côté de Zagreb que la température est montée la plus haute avec, histoire de fêter le retour de la sélection croate et de sa seconde place remportée au mondial du 15 juillet à Moscou, la présence d’une foule en liesse particulièrement fière de son équipe nationale, de son parcours et surtout de son résultat.
Une Croatie qui accueillera alors le 16 juillet 2017 ses joueurs en héros. Des vice-champions du monde qui auront le droit ce jour à Zagreb aux honneurs de tout un peuple qui est venu se rassembler autour de cet événement historique pour l’histoire du foot, mais également pour l’histoire tout court de ce pays qui n’avait jamais vécu une chose pareille. Les joueurs ont été acclamés dans une ville totalement rouge et blanche, saisie de fièvre patriotique pour ses « Vatreni » (que l’on peut traduire par Flamboyants).
À peine arrivés sur le sol croate, les joueurs ont pu apercevoir et surtout entendre une foule en délire qui se tenait prête à recevoir ses héros nationaux depuis déjà plusieurs heures. Un avion qui ne pouvait pas passer inaperçu, ayant été escortés depuis l’entrée dans l’espace aérien de deux Mig-21 de l’armée de l’air, comme un chef d’État, comme un héros de la nation. Alors qu’ils étaient en train d’atterrir en début d’après-midi, c’est devant une liesse qui scandait des « Joue ma Croatie ! Quand je te vois mon cœur s’enflamme ! » ou encore des « Que les cœurs flamboyants battent plus fort ! », que les vices-champions du monde sont apparus. Une foule enjouée qui faisait virevolter des drapeaux rouge et blanc au vent et qui portait en masse des maillots à damier rouge et blanc bien voyant. Une sélection qui entendra certainement à travers les hublots de l’avion cette foule qui se mettra soudainement à hurler lorsqu’elle apercevra sur les écrans l’avion roulant doucement sur le tarmac. Un avion redécoré pour l’occasion avec un « Bravo Vatreni ! » écrit sur le fuselage, et qui passera alors doucement sous un arc d’eau lancé par les pompiers de l’aéroport Franjo-Tudjman. La foule ne pourra plus se contenir ensuite, en acclamant de toute sa voix l’équipe lorsqu’elle apercevra le capitaine de la sélection apparaître en haut de la passerelle.
Selon les sources de la police, ce ne sont pas moins de 550 000 personnes qui sont descendues dans les rues de la ville pour venir acclamer leurs héros. Un chiffre impressionnant, surtout lorsque l’on sait que cela représente en fait une incroyable proportion de 10 à 15% de la population du pays. Tout un peuple, enjoué et fier, est venu féliciter comme il se doit leurs footballeurs à Zagreb, entre l’aéroport et le centre-ville.
Mais tout à un coup et ce genre de succès a inévitablement provoqué des dommages collatéraux. En effet, la marée humaine a donc tout simplement, et involontairement, provoqué quelques ralentissements du bus, quelques déviations dans son trajet et donc de son programme protocolaire du retour des joueurs. Il aura même fallu cinq heures au bus à impériale, où avaient pris place les joueurs, pour arriver à se frayer difficilement un chemin dans cette foule sentimentale et plutôt dense. De longues heures pour partir de l’aéroport à la place Jelacic. Tout le monde et unanime et s’accorde donc à dire qu’à ce jour, cela ne s’était encore jamais vu en Croatie. Sauf peut-être une certaine année 1994, alors que le pape avait décidé de donner une messe dans le pays. En effet, il faut savoir que neuf habitants sur dix se disent catholiques. Mais cependant, ces mêmes observateurs s’accordent également pour dire que ces footballeurs croates ont fait hier bien plus fort que le général Ante Gotovina, un homme considéré par ses compatriotes comme un héros de la guerre d’indépendance contre les forces serbes (1991-95). Ce dernier n’avait pas réuni autant de monde à son retour du Tribunal pénal international de l’ex-Yougoslavie en 2012 !
Ce retour au bercail sera d’ailleurs l’occasion pour Luka Modric de s’adresser fièrement à la foule venue l’écouter en s’amassant depuis la mi-journée sur la place centrale : « Merci Croatie ! Merci Croatie ! Nous avons atteint notre rêve ».
L’entraîneur Zlatko Dalic ira également de son commentaire personnel : « On a joué en Russie pour vous tous. Pour toute la Croatie. Pour tous les Croates de Bosnie-Herzégovine, de la diaspora, ainsi que pour nos vétérans, car sans eux on n’aurait pas ce damier. La Croatie avant tout ! », avant de se figer pour respecter le lancement de l’hymne national, précédent une action collective des joueurs et supporters qui entonneront alors en chœur « Moja domovina » (“Ma patrie”), une chanson patriotique très populaire dans les années 1990 et qui prend encore plus son sens ce lundi 16 juillet 2018 à Zagreb.